Certes, il est question d'amitié. Surtout, il s'agit d'un bel exercice de style, l'explication de deux amis qui se fâchent pour un rien, pour un oui ou pour un non. Au CDN de Sartrouville, puis ensuite, Sylvain Maurice a démontré ses talents de mise en scène, notamment sur des textes contemporains. Je me souviens par exemple de la magistrale façon dont il avait su faire comprendre les sous-textes de la joute verbale de " La Campagne ". Ici, aussi, sa direction d'acteurs nous donne les sous-textes. Mais, surtout, son principal mérite est de mettre en valeur la façon très subtile dont le texte de Nathalie Sarraute met en mots les fluctuations de la tension entre les deux personnages principaux. # écrit Aujourd'hui à 21h00
L'intention politique anticolonialiste semblait claire. Je m'attendais à une pièce à la fois didactique et militante m'aidant à en savoir plus sur le sujet. Las ! L'auteur adopte une écriture symbolique et métaphorique qui, au lieu de clarifier le sujet, le rang abscons et inextricable. Au lieu d'apprendre quoi que ce soit, on passe son temps à essayer de faire le lien entre ce qu'on sait déjà et ce qui se passe sur scène. C'est épuisant pour le spectateur en permanence à la recherche du décodeur ! # écrit Hier à 22h55
La pièce aborde d'abord la question de la difficulté de l'Église à combattre la pédophilie de certains prêtres. Mais aussi bien d'autres de ses problèmes, comme la place des femmes en son sein ou sa relation malaisée avec l'homosexualité masculine. On nous les donne notamment à voir de l'intérieur, des points de vue d'un prêtre et d'un évêque; ce qui n'implique ici nulle complaisance mais éclaire la compréhension. Sont en particulier démontés les mécanismes la conduisant simultanément à réprimer la sexualité entre homme adultes consentants et à couvrir la pédophilie. Cette pièce s'inspire de faits réels. Elle met en scène de vrais personnages de théâtre, très bien incarnés; elle est magistralement menée et j'ai la faiblesse de croire qu'elle saura parler à des gens très différents. # écrit Dimanche
Je ne suis pas certain d'avoir compris tous les détails de la scénographie de Johanny Bert. Pour autant, j'ai apprécié sa direction d'acteurs, qui a permis à ses comédiens de nous donner toute la précision et toutes les nuances de la si belle et si particulière langue de Jean-Luc Lagarce. Tout est là : le texte, le sous-texte et les silences. # écrit Samedi
Un titre qui vaut le déplacement à soi seul, la poésie d'un décor truqué plein d'inattendu, deux êtres qui ont bien du mal à communiquer... si vous êtes sensible au réalisme magique, vous apprécierez probablement ce curieux spectacle. Si, comme moi, vous avez aussi un esprit rationnel, la créativité et l'ingéniosité de la démarche risquent de ne pas vous suffire, vous laissant l'impression d'un exercice de style un peu vain, sans intention claire autre que formelle. # écrit Mardi
L'argument de la fable du Roi poule est là pour souligner la vanité de la condition des puissants, ainsi que la cupidité et la bêtise de leurs courtisans. Cela posé, il s'agit d'une farce devant laquelle le spectateur est invité à lâcher prise pour s'esclaffer. C'est court (la bonne longueur, il n'y aurait pas matière à faire plus long), c'est bien joué, bien dansé ; allez rire ! # écrit Il y a 1 semaine
En début de pièce, certains acteurs ont un peu de mal à bien caler leur voix en articulant puis, assez vite, tous donnent le meilleur et nous offrent la belle langue de Racine et les tourments de ses personnages. La scénographie sobre et les éclairages tirent le meilleur de la belle scène de la " Salle en Pierre " du Théâtre de l'Épée de Bois, devenue un magnifique écrin. Allez-y vite, il n'y a plus que deux semaines ! # écrit Il y a 2 semaines
Avec des ancêtres mozambicains noirs et d'autres portugais blancs, Victor de Oliveira fait de son arbre généalogique un élément-clé du texte de son spectacle, à la recherche des traumatismes issus des cahots du passé et empreint du mal de vivre spécifique de la condition d'homme métis. Sa mise en scène a cherché à gommer tout pathos, espérant peut-être que le texte brut et neutre suffirait à faire naître l'émotion. Hélas, ce ton invariablement neutre nuit au message et le spectacle manque de relief, ce qui n'enlève rien à l'intérêt et la densité de ce qui est dit. # écrit Il y a 2 semaines
Nasser Djemaï nous avait habitués à des pièces naviguant du réalisme vers l'onirique ou le fantastique. Dans Kolizion, on a de nouveau du réel et de l'irréel mais c'est au début du spectacle que le héros, Mehdi, dont les déboires lui feront gagner le surnom de Kolizion, se voit dès la nuit qui précède sa naissance, placé sous des auspices magiques ou divins. Cette pièce est un monologue, principalement un récit. Pour autant, la mise en scène de l'auteur, N. Djemai, la scénographie d'Emmanuel Clolus et l'excellent jeu de Radouan Leflahi lui confèrent une réelle théâtralité. Voilà pour la forme. Pour ce qui est du fond, ce conte laisse une grande part d'interprétation au spectateur. Je soupçonne Djemaï d'avoir mis beaucoup de lui-même dans Mehdi, seul enfant en réussite sociale de sa famille maghrébine. Les références sociales sont suffisantes pour que l'on se demande s'il s'agit d'une fable sur les transfuges de classe mais assez floues pour que cela ne soit peut-être qu'une qu'une fausse piste. De même, on pourrait se demander s'il s'agit ici d'une lutte entre libre-arbitre et prédestination divine mais, dans cette fiction, Dieu, s'il existe, est plutôt un magicien qui pousse Kolizion tantôt à se battre en croyant à sa bonne étoile, tantôt à être fidèle à ses souvenirs d'enfance. Nonobstant ces interrogations sur la morale de cette fable initiatique, Nasser Djamaï nous confirme ici qu'il est à la fois un grand conteur d'histoires et un très beau magicien de la scène. # écrit le 18/12/24
En 1725, Marivaux écrivait une comédie, " L'île des Esclaves ", dans laquelle un naufrage amène des rescapés sur une île où les rôles de maîtres et valets sont intervertis. En 1762, le compositeur vénitien Baldassare Galuppi et son librettiste Pietro Chiari adoptent un procédé très similaire dans leur opéra " L'Uomo femina ", à ceci près que, cette fois, ce sont les rôles des hommes et des femmes qui sont en jeu, l'occasion de remettre en question les inégalités de genre. On l'aura compris, le fond est des plus sérieux. Ce qui n'empêche pas la forme d'être légère et plaisante, avec une musique baroque réjouissante qui fait la part belle au clavecin et autres cordes pincées. Agnès Jaoui s'est emparée avec jubilation de ce bijou du XVIIIème siècle et nous livre une production enlevée. Deux cent cinquante ans après son écriture, cet opéra nous parle encore. Ce qu'il nous dit est donc encore pertinent. # écrit le 15/12/24