-Fane Desrues, une résistante Qu'il est bon se sortir de la pénombre d'une petite salle parisienne, dans un état profondément différent de celui dans lequel on y a pénétré une heure avant. De se sentir enrichi, nourri, déséquilibré aussi, flottant. De prendre conscience de notre perméabilité aux mots, à la vie, aux sentiments, même inconnus. Cette salle, c'est le théâtre de l'Essaïon, caché derrière l'imposant centre Georges Pompidou. Les mots sont ceux de Simone de Beauvoir. Les sentiments sont ceux de Fane Desrues. Le Monologue de la femme rompue. Un titre frémissant. Une heure sur le ring, dans l'inimité d'une cave parisienne, un marquage au sol dessinant un carré, une chaise. D'emblée l'enfermement. Et cette actrice, superbe, qui nous bouscule, nous chahute, là, à quelques pas de nous. Qui ne nous laisse aucun répit pour penser à la vie ordinaire. Une heure en apnée, à l'unisson de Murielle, femme lacérée par la vie, mais qui se bat, s'agite, une résistante. Enfermée dans ses propres limites, vêtue d'une combinaison informe ne laissant aucune chance à la femme de s'épanouir, chaussée de baskets rouges de boxeur, c'est tout le corps et les mots brûlants qui tentent une échappée, une tentative d'évasion, malgré le carcan mental de cette femme rompue. Fane Desrues porte admirablement cet engagement, ce combat, ce corps-à-cri. Dans une mise en scène pudique, et sobre, la jeune comédienne va chercher le souffle au plus profond d'elle-même pour porter ce texte dense, sans le trahir, sans céder à la complaisance du drame. # écrit le 23/05/12