One man show: Antoine Bueno dans Antoine Bueno, l'Espoir

-L'humour du futur
Antoine Buéno tient dans une heure l'humour du futur. Les ennuyeuses généralités sont pressées dans un filtre tragique, acide, où l'intelligence ne détruit pas la sensibilité. J'ajoute que la qualité de la diction flatte d'entrée le spectateur, séduit et content qu'on l'affranchisse comiquement et violemment de ses illusions paralysantes. Le comédien innove en technique, offre un humour à degrés : le sommet, intelligible pour les intelligents ; pour les imbéciles, le grossier ; mais aussi les intermédiaires auront droit à quelque chose. Des rages soudaines et singulières, des manières délicates très personnelles alternent sans qu'on en ressente les changements : la violence même y est raffinée. Mais tout est précis et sec, essentiel, dégagé du superflu. M. Buéno offre un oeil neuf, noir et enchanteur, colérique, avide, gourmand. On descend avec lui, joyeusement, en riant comme en délire, de petit abîme en petit abîme. Ce spectacle réintroduit, dans les réjouissances délétères de l'amusement public, le nerf des tragédies, dans les finesses de l'humour l'inactuel de la condition des peuples. Politique, rêve américain, rêve européen, Dieu, famille, argent, vanités, amour, élargissements, climat et Batavie, sont comme les marches nous ramenant salutairement au sol. 10 à 20 euros dépensés pour écouter cet homme à la saine initiative, vaudront mieux pour l'esprit que les passives et éternelles, les ruineuses séances de psychanalyse. Cet écrivain dont nous n'avons pas lu une seule page, qui s'offre en Sénèque moderne et généreux, et vous fait rire aux éclats seulement en vous fixant de ses yeux pleins de rage, nous en rappelle la puissante maxime : "Quand tu auras désappris à espérer, je t'apprendrai à vouloir". Credo.
# écrit le 13/11/15