Pour ceux qui en doutaient : on peut à la fois nous faire rire et nous faire réfléchir. René Daumal est un des écrivains les plus ardents du 20ème siècle. Pour lui, la poésie est un chemin de vie. Comment alors rendre compte d'un monde où tout semble factice, et comment trouver un chemin pour s'en libérer ? Daumal prend pour commencer le parti d'en rire, et décrit, avec une cruelle causticité, un univers où les psychanalyses sont des inspecteurs de poubelles, où les hommes politiques sont des enfants attardés qui jouent avec des pays et des canons, où les artistes sont des maniaques qui construisent des mausolées pour léguer leurs maladies à la postérité, où les religions consistent essentiellement en l'adoration de baudruches géantes... Un monde, où tout ce qui est essentiel est perdu, et Daumal préfère en rire que d'en pleurer, mais tout l'intérêt de la chose, c'est qu'il ne s'arrête pas à ce rire. Car avec le scalpel de l'humour, Daumal fait oeuvre de médecin de l'âme, car ce qu'il souhaite, ce n'est pas détruire le monde, c'est en mettre à jour les ruines pour, dans un élan plein de vie, se remettre à construire. Daumal veut trouver un chemin dans les labyrinthes fumeux du monde contemporain, et il le veut avec ardeur. Toute la force de la mise en scène et le jeu des acteurs, ici, sert ce propos. Florent Lumbroso nous prend par surprise. Clown burlesque mimant un professeur aussi érudit que délirant, enseignant devant une classe d'élèves ivres et surdoués, il transforme peu à peu notre rire en pensée, car Daumal n'est pas venu ici pour nous divertir, mais pour nous métamorphoser, et nous faire éprouver qu'au delà du divertissement et des paradis artificiels, l'être humain peut encore s'inventer un chemin pour habiter le monde. # écrit le 04/02/19