Quand on connaît l'éternellement sérieuse désinvolture et la sensible cruauté du dramaturge et romancier polonais, on attend crispés sur nos gradins de vivre un rêve fiévreux d'introspection, une hallucination collective presque, pleine de morale humaine et de psychanalyse sociétale. Mais la brise vient (au parfum d'encens dans cette salle, d'ailleurs), soufflée par la fraîcheur de la troupe: le rideau s'ouvre, ridicule, le pianiste s'installe et nous avec, on se sent entre de bienveillantes mains. Les petites gifles pleuviotent, à cause de Gombrowicz, forcément, mais acceptables venant des visages sur scène, très humains. On fait erreur: une entourloupe de mise en scène nous cachait en fait des masques, révélés peu à peu par leurs voix, et leurs corps démultipliés. Une énergie s'empare du cours de la soirée, sans jamais prévenir, comme les premiers tirs d'un 14 juillet. Chaque éclat est espéré mais jamais prévisible. Comme des coups de fouet lubriques on attend le suivant, toujours rassasiés et en manque. Les comédien.nes prennent une place écrasante, leurs énergies se poussent mais communiquent dans un équilibre symbiotique sans cesse contesté par la mise en scène. Le tourbillon nous happe, on y glisse volontiers. C'est très drôle, mais toujours précis, affolant mais sensible. On fait honneur à Witold en le découvrant avec Brûler, Détruire. Je garde humblement une réserve sur le rythme en début de pièce qui, peut être à cause de la proximité qu'impose la salle, semble étirer les silences et viscosifier les gags. Hâte de vous revoir sous de plus hauts plafonds! # écrit le 14/04/23